Publié le 07 février 2019

Depuis un siècle, le regard que nous portons sur le suicide s’est profondément modifié. De la criminalisation, à la « sociétalisation » du regard sur le geste, en passant par la psychiatrisation, les étapes ont été nombreuses.

Aujourd’hui, […] pour la plupart des personnes, le suicide est plutôt perçu comme le témoin d’une profonde souffrance, d’une impasse, d’une difficulté à être soi-même ou simplement à se sentir exister et à trouver son identité, sa place dans une société de plus en plus complexe. Société moderne qui est ressentie comme contradictoire, vide de sens et de perspectives, insupportable et violente.

Notre vision du suicide a évolué. […] Nous cherchons à mieux comprendre ce qui a pu amener une personne à commettre ce geste. Ainsi nous cherchons à saisir ce qui n’a pas pu se dire, ce qui n’a pu être entendu, ce qui n’a pas pu se construire entre soi et les autres. Il y a cette impression que la personne s’est heurtée au mur de la société dans une sorte de protestation ultime, sans avoir trouvé d’autres ressources pour le dire.

Face à ce dialogue impossible, sidéré par des souffrances indicibles et inaudibles, il semble ne rester que la violence, celle que l’on ressent, que l’on retourne contre soi et qu’on renvoie à l’autre et au monde.

La violence est indissociable de la question du suicide. Mais doit-on pour autant s’arrêter à ce constat ? Ne pourrait-on pas aller chercher plus loin ? […]

Pour aller plus loin dans nos missions de prévention, si nous souhaitons mieux comprendre notre démarche de prévention du suicide et, mieux aider les personnes endeuillées par suicide, nous devons analyser ce qui peut faire violence et ce qu‘il y a derrière la violence. En effet, la violence n’est pas neutre. Elle manifeste souvent ce que nous ne pouvons pas entendre, ni penser. Elle est comme un signal d’alerte ultime de situations qui dysfonctionnent. Il faut d’ailleurs parler des violences tant les situations peuvent être multiformes.

Nous sommes donc face à un double constat contradictoire : la violence est centrale dans la question du suicide et en même temps parler de cette violence en elle-même, l’analyser est peut-être ce qu’il y a de plus difficile. Le risque est de culpabiliser les acteurs de la prévention et les proches. Comment alors poser la question du sens de la violence, sans être violent ? Quel sens cela peut avoir d’interroger cette notion dans la cadre de la prévention du suicide ? Pour quel objectif ? De quelle manière pourrions nous l’interroger sans ajouter de la violence ?

A l’occasion des Journées Nationales pour la Prévention du Suicide 2019, l’UNPS vous propose de réfléchir ensemble à ces questions autour de 3 axes :

  • Violence ressentie par la personne :

    Confrontée à des situations de vie insupportables et convaincue de l’absence de perspectives d’effacement d’une douleur devenue intolérable, elle voit dans la mort par suicide la seule façon d’échapper à cette souffrance.

    Comment mieux prendre en compte dans la prévention du suicide, l’ensemble des facteurs sociaux et environnementaux qui sont souvent mis au second plan et ne pas se contenter de dire juste qu’il faudrait améliorer le lien social et rompre l’isolement ?

  • Violence que l’acte suicidaire impose aux entourages :

    Parfois privés de toute explication, ils s’interrogeront durablement sur quelle fut leur éventuelle responsabilité : ce que l’on n’a pas vu, pas entendu, ce que l’on n’a pas voulu entendre, ce qui n’était pas entendable et repérable.

    Comment mieux prendre en compte dans la prévention ce que vivent et ressentent les entourages ?

    Peut-on réfléchir à des nouvelles pratiques d’accompagnement des suicidants et des endeuillés ?

  • Violence faite aux intervenants professionnels ou bénévoles :

    Confrontés à une personne prête à se tuer pour cesser de souffrir, les intervenants vivent le paradoxe d’éviter la non-assistance1 tout en respectant l’autonomie de cette personne. Sans compter la violence induite par divers protocoles qui peuvent apparaître de plus en plus rigides.

    Comment tenir compte de ce que vivent et ressentent les intervenants ?

    Finalement, comment (ré)interroger les manières de faire de la prévention, de la postvention2, les méthodes d’intervention et les pratiques ?

Sur toutes ces questions et sur bien d’autres, l’UNPS invite chacun à venir réfléchir tout au long du mois de février, à l’occasion des rencontres organisées dans toute la France.

Notes

  1. C’est la notion de non assistance à personne en danger
  2. Intervention menée après un suicide, prenant essentiellement la forme d’un soutien aux personnes en deuil.

Source : UNPS

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